C'est beau, la vie

Publié le par Chatfleuri

Salut. Tu viens d'arriver au monde, mais t'en as à peine conscience. Tu vas tout apprendre, tout découvrir. À ne plus te chier ni te pisser dessus, à te redresser, te tenir debout, marcher, courir. À parler aussi. À penser. Tu vas rêver d'être grand, mais comme c'est long de devenir grand, en attendant, tu joues. Et puis tu oublie que tu veux devenir grand, parce que le temps n'existe pas pour toi. Il est si long le temps qui passe. Tu vas apprendre à lire, écrire, compter et découvrir que le monde est vaste. Tu vas vouloir tout apprendre.
Et tu vas découvrir que c'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

T'as 15 ans et tu change. Tu te rends compte que t'es plus un gosse et que la vie, c'est pas un jeu. C'est vache, parfois. T'as l'impression que l'on t'as menti quelque part. Ou qu'on t'a caché des choses, qu'on t'a pas tout dit. Et puis t'as appris à penser, à réfléchir, alors t'as envie de savoir qui tu es. On te dit que t'es plus un gosse, alors d'accord, on n'a pas à te dire ce que tu dois faire comme à un gosse. C'est pourtant bien d'être encore un peu un gosse. Tu peux jouer. T'aimes encore jouer. Mais tu te rends compte que tes jeux ne sont plus les même. Ils n'ont plus la même saveur. Et puis t'as envie d'aimer aussi. Oui, ton corps te dit qu'il y a des façons d'aimer que tu ne connais pas encore et que t'es prêt à le découvrir. Ça y est, tu commence à être grand, mais tu ne t'en es pas rendu compte.
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

T'as 20 ans maintenant. T'as oublié que t'as été gosse. Tu es adulte. T'es un jeune aussi. Fais chier qu'on te dise que t'es un jeune. Comme si tu savais pas ce qu'est la vie. Et puis d'ailleurs, la vie, elle est pas belle, faut tout changer ! C'est un monde de vieux, et si ça va pas dans le monde, c'est que les vieux n'ont pas su faire. Ça tombe bien, t'as l'énergie, la fougue, les idées. Les certitudes aussi. Naïves, les certitudes. Pour toi, c'est le grand soir tous les soir ! Mais les petits matins restent gris avec une saveur de gueule de bois. Pas grave, tu vas y arriver. Tu sais que tu vas y arriver !
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

Tu as 30 ans désormais. Tu as trouvé l'amour de ta vie et t'as dégotté ton boulot. Avec un peu de chance, ce travail te plaît. De toute manière, faut bien gagner sa vie pour payer son logement, sa bouffe et pour le petit bout qui va arriver. Et puis tu as envie de te poser un peu. Les squats, les colocs', les studios étudiants et les coins de canapés, c'est bien joli, mais un peu de confort reste appréciable. Un peu d'intimité aussi. Et puis au moins, tu n'as plus faim. Et les pâtes tous les jours, c'est pas très équilibré. Tu t'es retrouvé dans tous tes états avec tes excès, alors tu as envie de lever le pied. Avoir la tête claire est agréable aussi. Mais tu aime toujours faire la fête ! Ou du moins boire un verre et faire un gueuleton avec tes amis. Et vu que tu as un peu plus d'argent, tu en profite pour faire un bon gueuleton, de bons petits plats et de bons vins ! Tu te rends compte qu'il y a plein de façon de changer le monde. À commencer par prendre soin de soi, de se changer soi. Tu découvre que les petits gestes font parfois bien plus que les grands cris.
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

Merde, la quarantaine ! Tu es bien, posé, ta vie se passe avec ses hauts et ses bas. Mais tu ne peux pas t'empêcher de commencer à regarder en arrière, de faire ton bilan. Pourquoi ? Tu ne sais pas. Mais la question te taraude : Et si ?
Et si tu n'avais pas vraiment fait ce que tu voulais ? Et si tu ne t'étais pas un peu trompé de chemin ? Et si tu n'avais pas perdu tes idéaux en chemin ? Et si tu n'étais pas en train de t'encroûter ? Mais c'est un peu tard, tu ne peux pas revenir en arrière. Tout recommencer ? Ce n'est pas vraiment possible. Mais commencer autre chose, oui. C'est vrai que tu t'es un peu empâté. Et l'expérience de tes erreurs passées t'as rendu circonspect, prudent, méfiant. Un peu timoré et craintif, même. Mais tu ne peux rester ainsi. Alors tu t'investis, et ta vie passée, tu y réfléchis pour lui redonner un avenir, un sens. Tu as parcouru la moitié du chemin, mais maintenant, tu peux mesurer le temps passé et tu te rends compte de celui qui t'es compté. À toi de bien l'utiliser.
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

Tu avance dans les 50 ans, tes craintes sont passées. Mieux, même, tu peux transmettre à ces couillons de jeunes ce que tu as vécu et ce que tu peux encore faire. Du moins quand ils veulent bien écouter... Ton corps se rappelle à toi avec ses tracasseries, mais tu est bien conservé malgré tout. Tu peux encore en faire et tu ne te prive pas de le prouver. Mais tu apprécie le calme aussi. Tu te rends compte que courir ne sert vraiment à rien. Tu te mets à sourire à tes souvenirs passés, quand tu te lançais à corps perdu dans des grandes batailles qui n'étaient, au final, que de futiles escarmouches. Mais tu as encore envie de donner du sens à ta vie. Tant que tu le peux, car tu commence à avoir conscience qu'un jour, tu ne pourras plus.
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

60 ans, le bel âge. Ta vigueur s'enfuit de plus en plus perceptiblement, mais tu n'en a cure. Tu le sais, il est temps de te reposer, de penser à toi, et de vivre encore ce que tu peux vivre. Et tu le vis en savourant à plein, comme on profite des derniers rayons de soleil d'automne. Tu les savoures, ces instants, en sachant que tu ne les retrouveras peut-être plus. Et tu te rends compte combien ces petites choses sont belles. Tes cheveux argentés te rappellent que tu es un ancien maintenant. Pas encore une antiquité, mais ça viendra. Car tu es lucide. Tu sais que le temps des regrets n'est plus et que celui des grands projets ne peut plus être.
C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

70, 80, 90... Cela ne veut plus rien dire pour toi. De nouveau, le temps n'existe plus. Tu es assis dans ton fauteuil toute la journée, voire même une partie de la nuit car tu ne dors plus, et tu regarde à la fenêtre. Soleil, pluie, la rue calme ou passante. Le temps peut s'écouler, il sera toujours trop long ou invisible. Il est figé en toi. Tes belles années remontent à la surface de ta mémoire, et toute la journée se repasse le film de ces quelques instants fabuleux où tu étais gosse, ado, adulte de 20, 30, 40, 50 ans...
Alors vienne la Camarde, tu es prêt.

C'est marrant, la vie. On n'abandonne pas ses rêves, on revient à l'essentiel.

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