Omnes necant

Il est des instants où je me sens si âgée
Alors que je suis, dans ce qu'il est convenu de dire,
Dans la fleur de l'âge, l'heure des projets.
Mais l'espoir prend sur moi le droit de se dédire.

Je n'ai pas vu ce moment venir,
Celui où l'on accuse le coup du bilan bien lourd,
Le sentiment de voir réduire son avenir
Et d'avoir dépensé sans compter pour un ersatz de velour.

Quand la question se pose brutalement :
Mais où est passée ma jeunesse ?
Sentir que l'esprit, quoique vif, me ment
Et que mon corps malmené ne tient plus ses promesses.

J'ai toujours eu peur de ce temps qui passe,
Je l'ai maintenant en horreur tant je le ressens.
Et si certains vents sont favorables,
Zéphyr est trop souvent absent.

Et si mieux vaut les remords que les regrets,
Certains remords sont plus lourds à porter
Que tous les regrets qui m'emprisonnent de leurs rets,
Et l'eau qui a coulé n'aide pas à les supporter.

Ils font déjà partie du passé,
Tous ces grands espoirs
Et ce n'est plus avec mon cœur cassé
Que je rêverai de nouveaux grands soirs.

L'adage de ces horloges traîtresses
Est erroné, que veux tu :
Aucune ne blesse,
Toutes tuent.