Femme voilée

Publié le par Chatfleuri

Femme voilée

Dimanche en fin de journée, j'étais allé retrouver des amis dans un jardin public. Au retour, j'ai pris le métro à Saint Cyprien. Certains passants n'ont pu s'empêcher de me regarder. Normal, avec mon pantalon féminin à motif végétal sur le côté, chaussures ouvertes compensées et barbe, difficile de passer inaperçu. Je m'en moque. Je ne me cache pas, c'est tout.

Juste avant de monter dans la rame, je suis intrigué : des gens en ressortent l'air indigné en regardant derrière eux. Ça ne peut pas être un clochard, je n'entend rien de suspect. Juste des grommellements de la part de ceux qui sortent.

Je monte.

Je comprends.

Devant moi, assise sur le strapontin, une femme seule, voilée. Entièrement. Pas un centimètre carré de peau ne dépasse. On ne voit que ses yeux, très beaux, au demeurant. Hijab, Niqab, Tchador, je ne sais pas quels sont les noms de ces vêtements, et je m'en fout un peu. Mais il est vrai que cela impressionne un peu. Seules les baskets dépareillent et dépassent !

Elle ne me voit pas au départ, vu qu'elle a la tête tournée vers la vitre, mais les portes se fermant, elle tourne sa tête vers moi. N'ayant que ses yeux de visible, c'est eux que je regarde. Je lui dit bonjour, sentant que ce regard en appelle simplement un. Elle me rend ce bonjour tranquillement. Juste nos regards, et beaucoup de choses qui se passent. Elle n'a pas paru surprise de mon look au moment ou elle m'a vue. Elle a entendu mon bonjour et me l'a rendu avec un sourire. Ce sourire certes dissimulé par son foulard, mais terriblement visible dans ses yeux. Et puis surtout, il n'y a eu aucun jugement entre nous.

C'est fou tout ce qui passe par le regard.

Une certaine compréhension y passait entre nous. Je sentais que sa tenue étais choisie aussi librement que j'avais choisi la mienne. Deux tenues qui sont majoritairement désapprouvées par l'opinion générale, parfois radicalement, porteuses de nombre de préjugés, souvent destructeurs. Et pourtant deux tenues qui font parties de nous. Je ne me sens pas moi habillé de vêtements masculins. Et voyant cette femme seule, j'aurai parié ma montre et mon billet qu'elle n'étais pas du tout obligée de se voiler autant. Elle pouvait enlever ses gants, ou baisser un peu son foulard mais ne le faisait pas. Et dans son regard, ne se lisait aucune contrainte.

Nous sommes tous deux sortis station Jean Jaurès. Un signe de tête accompagné d'un salut de mes doigts à la tempe pour lui dire au revoir, et de sa part, un clin d'œil souriant.

En haut des escalators, mon cœur s'est serré un peu : Vigipirate poste ses militaires et policiers là-haut, et si elle se faisait arrêter, je ne pouvais rien faire pour elle. Son visage masqué n'est pas en accord avec la loi. Dura lex sed lex. Cette loi n'en veut pas au voile religieux mais au fait de dissimuler son visage en un lieu public. Même si on sait très bien qu'elle a été votée par des imbéciles islamophobes et sécuritaires, son utilité est malheureusement réelle et nécessaire.

J'ai compris à mon cœur serré que j'avais la chance de ne pas avoir ce type de loi au-dessus de ma tête, et j'étais triste pour cette femme. Si cette tenue n'est pas acceptable quand elle est imposée, elle n'est pas à juger quand elle est librement consentie.

J'ai cependant conservé ce moment d'incroyable complicité toute la soirée, et j'y repense encore.

Publié dans Réflexions

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